Les mots sont passerelles

Les mots sont passerelle.

J’ai regardé danser la svelte ballerine 

Sans même oser penser qu’elle serait Colombine

Je suis simple Pierrot et j’ai bien triste mine

Pour oser lui montrer mes pauvres pantomimes.

Combien donc sommes-nous à regarder danser

Autour de nous tous ceux qu’on voudrait embrasser.

À ne jamais oser par manque de confiance

À gâter notre vie pour ne tenter sa chance ?

Qui sait si la danseuse n’est pas un petit rat 

Qui se fait de la vie aussi un opéra ?

Qui sait si elle aussi n’est pas dedans sa bulle

À mener avec elle même conciliabule ?

Qui va les remarquer tous mes pas maladroits 

J’en ai fait tout à l’heure un au mauvais endroit 

Qui va se soucier au milieu du ballet 

D’une robe légère qui a virevolté ?

On guette un regard, ou un geste d’invite 

On prie que le hasard réponde à sa prière 

Mais c’est dans les romans que la chance habite

Et ouvre un chemin qui mène à la lumière.

Car le passe muraille, en vrai, ce sont les mots

Les mots sont passerelle, on le dit jamais trop

Ce n’est pas difficile de dire mademoiselle 

Je vous ai vu danser et vous aviez des ailes.

Parler c’est un effort qui n’est jamais perdu

Que l’on soit incompris ou qu’on soit entendu. 

De plus parfois les mots ont du chemin à faire

Pour parvenir au coeur et pour leur nid y faire.

Pierre-Jean BOUTET