Fugueurs.

Fugueurs.

Les mots ont déserté pour aller dieu sait où 

Ailleurs où leurs ébats vont jusqu’à rendre fous.

Sans doute que de moi ils avaient fait le tour

Qu’ils n’éprouvaient pour moi, plus une once d’amour.

Je me croyait jongleur en tous points émérite

Possédant les secrets de ces mots que j’invite.

Combien j’ai déchanté ce jour où je fus vide

Les plis de mon cerveau me semblaient bien arides.

Les heures s’écoulaient monotones, insipides

Dans l’obsédante attente d’un retour des fugueurs.

Avec le fol espoir de percevoir limpide

Le flot renouvelé de leur bonne liqueur.

Les jours succèdent aux jours, impression d’abandon

Qu’est-il donc devenu, ce bien prétendu don ?

Les pourquoi, les comment se succèdent sans fin

Je me sens démuni, tout autant qu’un pantin.

Puis je me suis penché sur le grand champ de neige

J’ai convoqué les mots en de timides arpèges, 

Les priant de répondre à mes exhortations

Invoquant mon amour, plus fort que de raison.

Ils se sont approchés pleins de curiosité 

Semblant me reconnaître, eux que j’ai invités.

Peut être bien qu’ailleurs ils n’ont pas pu trouver

De gîte aussi aimant, aussi hospitalier.

Je m’en vais désormais plus les considérer 

Sans les prendre de haut, bien mieux les cajoler.

Je sais qu’il y a des coins, où se cachent certains

J’irai tout doucement, les prendre par la main.

On donne bien des sens, à un mot comme « ami »

J’en connais un de plus, qui ne m’a pas surpris,

Celui que j’attribue, à ces mots qui m’acceptent 

J’en suis, je reconnais, le plus fervent adepte.

Pierre-Jean BOUTET

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