Trahis

Trahis

La terre est gorgée par cette humidité

La pluie n'a pas cessé tout le jour de tomber

Dans l'air un peu brouillé flotte une buée

Et l'eau qui nous transperce se mêle à nos suées.

Nous progressons prudents à travers les tourbières

Cherchant du bout du pied où est la terre ferme

Le refuge n'est pas loin là quelque part derrière

Quel grand soulagement car ce sera le terme.

Le brouillard a surgi, tout noyé de sa ouate

Depuis nous avançons de façon maladroite

Nous tenant par un bout du vêtement de l'autre

Afin de ne risquer de perdre l'un des nôtres.

Personne n'a eu le choix de cette expédition

Pour passer la frontière et fuir la répression

La source de nos angoisses on l'a laissé derrière

Il n'y a devant nous que l'espoir, la lumière.

Pas un mot ne s'échange au sein de la colonne

Nous suivons notre guide, perdus dans nos pensées

Le présent peu importe, l'essentiel, avancer

Pour ouvrir une porte où le soleil rayonne.

On ne craint que les gardes qui pourraient repérer

Notre file indienne cheminant dans les près

Le brouillard salutaire dissimule au mieux

Nos mouvements présents et cela à leurs yeux.

Arrivés au refuge nous serons tous sauvés

Il est de la frontière du bon côté placé

On pourra y souffler et panser bien nos plaies

Nous n'avons à nos pieds que de pauvres souliers.

Encore quelques pas malgré notre fatigue

Encore un peu d'efforts nous susurre le guide

Le passeur nous a pris nos quelques économies

Pour nous mener ainsi vers cet autre pays.

Après avoir marché bien des heures durant

Dans la grande montagne, montant et descendant

Quelques voix qui s'élèvent pour dire où sommes nous

Le brouillard s'est levé, et rien autour de nous.

Le guide a disparu, nous sommes abandonnés

Dans ces lieux inconnus et on prend un peu peur

Il nous semble pourtant qu'au lieu d'être ailleurs

Nous sommes revenus au pays qu'on fuyait.

Pierre-Jean BOUTET

cambredaze.canalblog.com