Le ver dans le fruit

Le ver dans le fruit.

Quel phénomène étrange se joue en nos mémoires 

Ces éponges imparfaites où sont nos souvenirs

Qui retiennent en dépit de ce qu’on pourrait croire

Plus de choses qu’à nos yeux elles peuvent contenir.

Pourquoi s’y glisse alors comme un ver dans le fruit

La petite gangrène qu’y apporte l’oubli

Ce facétieux problème qui échappe à l’esprit

Qui fait ce qui lui chante et jamais n’obéit.

Certes il est salutaire quand il sait effacer 

Quelques scènes atroces qui ont las existé

Combien c’est énervant si mémoire est exsangue 

Qu’on ne peut retrouver ce qu’on a sur la langue !

Un oubli sur commande, non ça n’existe pas 

Seul l’inconscient demande ce dont il ne veut pas 

Pourtant il est des mots, parfois une image

Qui feront resurgir des moments de passage.

Comme si le passé envoyait des messages

Et nous faisait alors repartir en voyage

Dans des scènes vécues ou tristes ou heureuses

Où la mémoire joue à la grande pleureuse.

Ce baiser si fervent, sur un lit ce gisant

Elle nous renvoie presque instantanément 

Revivre des instants qui furent émouvants 

Mais qui se sont perdus dans les sables mouvants.

Tout ce que l’on oublie tout ça ne compte guère 

Bien plus ceux qu’on oublient qui nous aimaient naguère 

Bientôt c’est dans l’oubli que sombreront nos vies

Car elles ne pèsent guère dans le flot qui nous suit.

Pierre-Jean BOUTET

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